Si les prairies et les pâturages ne sont plus utilisés dans la zone de montagne, dans de nombreux endroits, ce n'est pas la forêt de montagne qui revient, mais l'aulne vert (latin : Alnus viridis). Cet arbuste indigène prend le relais en quelques années et forme un sous-bois impénétrable. Grâce à des bactéries symbiotiques, l'aulne vert a accès à un réservoir inépuisable d'engrais azoté, à savoir l'azote atmosphérique (78% de l'air). En conséquence, l'aulne vert se développe non seulement rapidement, mais enrichit tout son environnement avec de l'azote. Les petites graines de nos arbres forestiers n'ont aucune chance de percer le fourré d'aulnes verts.
L'eau dans le sol sous les aulnes verts est fortement enrichie en nitrate, qui est emporté dans les rivières. Les sols sous l'aulne vert dégagent de grandes quantités de protoxyde d’azote (N2O). En raison de son long temps de séjour dans l'atmosphère, le protoxyde d’azote (ou gaz hilarant) est un gaz à effet de serre environ 300 fois plus puissant que le CO2. L’embuissonnement par l'aulne vert est observé dans toute la chaîne alpine européenne entre 1 200 et 2 200 mètres d'altitude. Il s'agit actuellement du changement le plus rapide et le plus profond de la couverture des sols dans la région alpine.
Les moutons d'Engadine repoussent l'aulne vert
Hacher et couper l'aulne vert, et voilà que tous les bourgeons endormis de l'arbuste se renforcent. Le mouton d’Engadine, quant à lui, épluche goulûment l'écorce du tronc au printemps, alors l'aulne vert se flétrit et meurt. Le mouton d’Engadineest une race primitive. Avec le soutien d'éleveur-euse-s engagé-e-s, la Fondation ProSpecieRara a sauvé la race de l'extinction. Aujourd'hui, le cheptel de moutons d’Engadine est à nouveau suffisamment important et peut notamment être utilisé contre les buissons dans la région alpine. Le mouton d’Engadine est robuste, a une faible sensibilité au piétin grâce aux onglons résistants, présente une fertilité élevée et des mises bas sans problèmes. De plus, les moutons d’Engadine sont des animaux très confiants, ce qui permet de les garder plus facilement dans les zones fortement embuissonnées.
Un projet d’entretien des sites naturels avec commercialisation
La biologiste Dr. Erika Hiltbrunner voulait agir au sujet de l'avancée de l'aulne vert dans la vallée d'Uri Ursern. En collaboration avec l'association suisse d'élevage du mouton d'Engadine, elle a lancé un projet avec cette race dans le but de repousser l'aulne vert et ainsi stopper le déclin de la biodiversité des alpages. Du fait qu'elle mène le projet avec des moutons d’Engadine, elle permet également la promotion de cette ancienne race suisse de moutons.
Un effet secondaire agréable : viande d’agneau produite de manière durable
Le projet a également débouché sur de la viande d’agneau d'Engadine, pour lequel Erika Hiltbrunner a mis en place une commercialisation. Pour plus d'informations sur le projet de conservation du paysage et sur la façon dont la viande peut être obtenue, veuillez envoyer un courriel à : erika.hiltbrunner(at)unibas.ch ou appeler le 078 744 96 21.
Cet article est basé sur le dépliant d'information «Mit Engadinerschafen gegen die Verbuschung des Alpenraums» par le Dr Erika Hiltbrunner, station de recherche et de formation alpine FURKA, ALPFOR de l'Institut botanique de l'Université de Bâle, 2018. Plus d'informations et une vidéo avec les moutons d’Engadine au travail peuvent être trouvées ici.
Article en français sur la page des académies suisses des sciences / Factsheet « Les Alpes envahies par l’aulne vert » ici